La Défense parc d'attraction du travail

Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon

Projet urbain

2011

Avec la croissance sans fin de l'exclusion, la Défense sera bientôt le dernier quartier de Paris où il restera encore des travailleurs. Le projet envisage sa réhabilitation prochaine en parc d'attractions pour l'éducation ludique des exclus. On viendra ici regarder les derniers employés, enfermés dans leurs bureaux, comme on regarde aujourd'hui les derniers artisans au journal de TF1.

  • La Défense parc d'attractions du travail dans le film de Florent Tillon, Messa Guerrillera, 2017

À l'âge industriel, le travail laissait peu de temps libre. Les parcs d'attractions démocratisaient la mise en spectacle des loisirs. Ils formaient des lieux spécifiques de condensation du plaisir, en permettant aux travailleurs de s'abandonner à des machines industrielles, similaires à celles avec lesquelles ils travaillaient en semaine, mais modifiées pour échapper à la rationalité, des machines devenues folles.

À l'époque post-industrielle, les loisirs sont surabondants, mais c'est le travail qui vient à manquer. Le parc d'attractions de la Défense offre une mise en spectacle du travail. Il permet aux exclus de s'immerger dans une reconstitution condensée du monde du travail, dans laquelle on leur propose, temporairement, une place.

Touristes, artistes, intermittents, chômeurs, précaires, indépendants, dandys, oisifs, retraités, familles, enfants, écoles viennent contempler les travailleurs du quartier d'affaires, comme un des derniers volcans en ébullition.

Le quartier s'explore comme un grand jardin d'aventure du XXe siècle, spécialisé dans le monde des entreprises et de la finance. Un lieu de concentration des travailleurs, à la manière des anciens zoos humains.

La Défense incarne le chaos qui naît d'une surenchère permanente de planification.

Labyrinthe de parkings.

Montagnes russes pour automobilistes.

Circulations amplifiées pour augmenter le plaisir du mouvement.

Profusion de passerelles.

La multiplication des circulations y atteint un degré piranésien : profusion infinie de passerelles, couloirs souterrains labyrinthiques, espaces variés et ouverts – un dédale tridimensionnel.

Montagnes russes pour piétons.

Points de vue.

Multiplication des cheminements possibles.

Belvédères pour admirer le passage des travailleurs.

La Défense se présente au visiteur comme un inextricable labyrinthe tridimensionnel d'espaces disposés dans un désordre savant : entrelacs de couloirs, de passerelles, de tunnels, de passages, de galeries commerçantes, de lieux résiduels, de toits d'immeubles, de recoins, espaces improbables, tantôt souterrains, tantôt aériens, dont la hiérarchie et la logique ont définitivement échappé à la rationalité qui était à leur origine.

La Défense et ses complexes raffinements spatiaux représentent une sorte de punition pour ces cadres qui, par profession, se vouent au rationnel. Est-ce pour l'éducation des dirigeants au plaisir du déplacement du corps dans l'espace ?

La Défense est un parc d'attractions qui s'ignore. Le quartier est déjà structuré comme un parc d'attractions, espace autonome, séparé de l'extérieur par le boulevard circulaire.

Ici on jouit de la vitesse des autres. Dans cette fourmilière à ciel ouvert, les visiteurs privilégiés profitent du spectacle des employés de bureau au rythme effréné, stressés et dopés à la caféine, qui s'agitent autour d'eux en tous sens.

Diffusion

Antoine Viviani Insitu, Arte, 2011

Florent Tillon, Messa Guerrillera, 2017

Annexes

Stéphane Degoutin, Deux notices du dictionnaire de la Défense, 2013 http://www.nogoland.com/wordpress/2013/01/deux-notices/

Stéphane Degoutin, Trolley Parks, 2009

Stéphane Degoutin, La Défense est un parc d’attractions qui s'ignore, 2004 http://www.nogoland.com/wordpress/2004/12/la-defense-est-un-parc-dattractions-qui-signore/