Cartes postales pour les banlieues de Paris

Stéphane Degoutin, Alex Knapp et Gwenola Wagon

Édition de 32 cartes postales

2009

Les Cartes postales pour les banlieues de Paris ne montrent pas les curiosités cachées, beautés secrètes ou éléments anecdotiques mais tentent d’attraper au vol ce qui fait la périphérie, les principes sur lesquels elle repose : les transports en commun, les embouteillages, les cafés, les systèmes de surveillance, les centres commerciaux, l'habitat résidentiel, les bureaux, la vie quotidienne. Elles esquissent une forme de pittoresque contemporain, à rebours des images d'une ville spectaculaire.

Disparition des cartes postales de banlieue

On estime à cinq milliards le nombre de cartes postales représentant la Tour Eiffel, soit presque une pour chaque habitant de la planète. Par contre, il est presque impossible de trouver une carte postale récente représentant un lieu de la périphérie parisienne. Ces territoires sont aujourd’hui sans images. Les seules qui circulent sont, dans la presse, alternativement des barres HLM qui implosent et des voitures qui brûlent.

Même au Val d’Europe, l’une des périphéries ayant le plus de succès actuellement, il est impossible de trouver la moindre carte postale de la ville. Nous inspectons systématiquement tous les commerces susceptibles d’en vendre, en vain. Les seules cartes proposées sont génériques : animaux, anniversaires, enfants… La vendeuse du tabac « Nuage et Plumes » du centre commercial nous explique pourquoi : « C’est une région virtuelle. Personne n’achèterait des cartes postales d’ici ».

Les seules que nous trouverons sont, au Disney Store, deux vues de Disneyland.

Nostalgie du banal

Les cartes actuelles ne montrent que des attractions spectaculaires: Disneyland, le Stade de France, la Défense… La disparition des lieux banals des cartes postales de banlieue est assez récente : dix ou vingt ans tout au plus. Les cartes anciennes, bien plus nombreuses, montraient souvent ces coins de rue ordinaires, qui n’étaient pas nécessairement beaux ou attrayants: une rue pavillonnaire, un café-tabac... Comme n’importe quelle carte postale, elles servaient à dire  « Je suis ici » et « Wish you were here ».

Aujourd’hui, le visiteur d’Argenteuil ou de Champs-sur-Marne n’est plus submergé par le désir d’envoyer à ses amis une trace de son passage.

Il faudrait inventer une carte postale susceptible de transmettre un nouveau message, plus adapté au vécu contemporain (« Almost what you’d expect » ?…).

Par définition (et à l’exception notable de Beverly Hills à Los Angeles) les banlieues résidentielles ne se visitent pas. Elles ne se photographient pas non plus. Elles n’impressionnent pas la pellicule. Lorsqu’ils s’attaquent au sujet, les photographes professionnels oscillent entre deux genres tout aussi complaisants : le « pittoresque forcé » ou le « neutre terne ».

La photographie est peut-être inadaptée pour montrer la ville diffuse, car ses formes – les configurations physiques qu’elle prend – ont beaucoup moins d’importance que dans les centres-villes. La raison d’être des espaces périphériques n’est pas à chercher dans les monuments, les bâtiments ou l’esthétique des espaces publics. Elle relève d’un mode de vie où les espaces privés (l’habitat en premier lieu) ont plus d’importance (une série à venir de Cartes postales pour les banlieues de Paris pourrait ne montrer que des intérieurs).

Le format de la carte postale permet de diriger le regard. La carte postale est toujours partielle. Elle montre des stéréotypes. Elle en fabrique: c’est sa fonction. Elle "stéréotypifie" ce qu’elle montre, en faisant passer la partie pour le tout. C’est une manière extrêmement efficace de pointer du doigt quelque chose, de le désigner à l’attention d’autrui.

Les Cartes postales pour les banlieues de Paris ne montrent pas les curiosités cachées, beautés secrètes ou éléments anecdotiques, mais tentent d’attraper au vol ce qui fait la périphérie, les principes sur lesquels elle repose – les transports en commun, les embouteillages, les intérieurs, les cafés, les systèmes de surveillance – le banal et l’ordinaire d'aujourd'hui.

Presse

Elodie Cabrera, Le voyage, entre clichés et réalités, Beaux-arts magazine, 2 juin 2022

Lucie Vial-Blondeau, Fondation EDF, le voyage, fantasme contre réalité, La Perle, 21 décembre 2022.

Diffusion

Exposition Nogo Voyages. Ars Longa, 6 mai - 12 juin 2009. Paris Exposition Faut-il voyager pour être heureux ?, Fondation espace EDF, 20 mai 2022 - 29 janvier 2023

Générique

Réalisation : Stéphane Degoutin, Alex Knapp, Gwenola Wagon

Graphisme : Alex Knapp