Post-rat

Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon

Éléments pour un jeu vidéo

2023

Vous pénétrez dans un espace sombre et clos, rappelant les bacs à sable pour enfants, sauf que le sable est constitué de billes de plastique de couleur fluo. Le parc se compose de tas, de tunnels, d’une mare artificielle, d’objets pour différentes activités. Plusieurs personnes rampent sur le sol instable, agitant leurs mains en petits mouvements erratiques. Au sol sont posés des casques de réalité virtuelle, plus grands que les modèles courants, et des sangles de forme incongrue, légèrement inquiétantes.

NIVEAU 1 : LE BAC À SABLE

Vous êtes invité à vous accroupir à quatre pattes. Il n’est pas possible de jouer autrement. Les sangles reliant votre dos et vos membres vous empêchent de vous maintenir à la verticale. Un casque spécial, fixé avec des lanières de plastique, recouvre vos yeux, votre nez et vos oreilles. Votre vision est floue au-delà de quinze centimètres, les couleurs sont ternes, mais vous percevez les ultraviolets et les plus maigres lueurs dans l’obscurité. Un exhausteur olfactif vous inonde d’odeurs. Vous êtes capable de distinguer, sans les voir, différentes sortes de matériaux synthétiques. Vous repérez les phéromones des autres joueurs. Les moindres sons sont amplifiés: crissements, grattements, frottements, souffles, respirations…

Au sein de ce chaos de sensations nouvelles, vous percevez nettement des voix. Il est difficile de lever la tête pour savoir d’où elles émanent. Mais vous comprenez que vous êtes le sujet de cette conversation.

Sans autre avertissement, vous êtes saisi par une main gigantesque recouverte d’un gant en latex bleu ciel – vous ne la distinguez clairement qu’au dernier moment, lorsqu’elle vous attrape – et soulevé très haut. Devant vous, trop rapidement pour que vous puissiez les saisir précisément, passent des lignes immenses, des écrans géants, des lumières froides. Puis on vous dépose entre deux cloisons de plexiglas. Vous entendez des bips. Vous cherchez à vous échapper, mais vous ne pouvez pas.

Vous avez peur.

Vous avez raison.

Vous êtes un rat de laboratoire.

L’expérience de réalité virtuelle « POST-RAT » vous immerge de la manière la plus réaliste possible dans la vie d’un rat piégé dans un laboratoire géant et soumis aux expériences les plus incongrues. Vous subissez ces expériences dans votre corps.

Pourquoi le jeu s’appelle-t-il « POST-RAT » ? Parce que le rat de laboratoire est un animal mutant, augmenté de toutes sortes de capacités : télépathie, bonheur, mémoire, etc. On teste sur lui tout ce que l’on aimerait implémenter sur l’être humain. Depuis plus d’un siècle, le rat de laboratoire représente le futur de l’humain.

Souris de laboratoire élevées dans un système de cages à ventilation individuelle qui les protège des infections bactériennes

NIVEAU 2 : AUX SOURCES DU POST-RAT

L’immense majorité des expériences de laboratoire est réalisée sur des rats. Et on ne parle pas ici de quelques rats : en 2021, on estime que 111 millions de rats sont utilisés chaque année rien qu’aux États-Unis.

Or, ces rats sont triés génétiquement, de sorte à correspondre à un catalogue de quelques modèles standard. Ce sont des produits formatés, à l’image de la fabrication à la chaîne dans les usines du début de l’ère industrielle. On peut choisir le Wistar, plus actif, ou le Lewis, peu fertile, ou le Long–Evans, qui consomme l’alcool plus vite et est donc plus adapté pour les études sur ce sujet, ou le Sprague Dawley, plus calme, et très rapide à former des tumeurs, ou encore le Biobreeding rat (ou BBDP) qui développe spontanément un diabète de type 1 auto-immune, et ainsi de suite.

Extrait du catalogue de Janvier labs
Kit d'embryons de Janvier Labs

Plus de la moitié des rats de laboratoire descendent de la même colonie de Wistar datant de 1906.

On peut considérer évidemment, qu’il y a là un énorme biais scientifique. Mais ce n’est pas le thème de l’expérience « POST-RAT ». Si l’on regarde les choses d’un autre point de vue, cette gigantesque concentration de manipulations sur un nombre restreint de génomes constitue une méta expérience. On en sait plus sur le rat de laboratoire que sur n’importe quelle autre espèce vivante, humain compris.

L’humain, justement, parlons-en. L’espèce s’est complètement perdue en route. Surproduction de nourriture industrielle, fast fashion, climatisation, infrastructures routières, grandes surfaces de magasins et de bureaux, lotissements suburbains s’étalant à l’infini, maisons débordant d’objets, déchets polluant les océans, les sols et l’atmosphère. Le délire consumériste semble impossible à enrayer. Ce mode de vie qui était censé apporter le confort altère la biodiversité et plonge l’humanité dans un milieu abîmé, où elle subit toute une série de pathologies : éco-anxiété, allergies, dérèglements de l’alimentation, diabète, accidents vasculaires, dépression, hyperactivité, burn-out, maladies neuro-dégénératives, troubles psychologiques inexplicables, et bien d’autres désordres non identifiés. Les dernières innovations techno-solutionnistes ne semblent pas être à même d’enrayer le processus. Les humains sont rendus dépendants de leurs prothèses, les neurones englués dans des extensions mal connectées, l’esprit perdu dans le flou des réseaux, la promesse d’un post-humanisme se révèlant plus proche du zombisme que de la fontaine de jouvence.

Dans l’incapacité de changer radicalement son propre milieu ou les conditions structurelles qui le sous-tendent, l’humain se contente de soins palliatifs.

Toutes les solutions, avant d’atteindre leur phase d’utilisation, sont d’abord testées sur des rats de laboratoire.

L’humain a besoin du rat pour fantasmer l’allongement de sa vie autant que pour lutter contre les risques que son propre mode de vie lui fait encourir. Les rats deviennent progressivement le témoin caché de la volonté d’étendre comme de soigner la condition humaine, ils incarnent de fabuleux matériaux cliniques de nos modes de vie.

Le rat deviendra t-il le prototype de l’humain du futur – à moins qu’il ne soit tout simplement le futur ?

NIVEAU 3 : DU LABYRINTHE AU PARC D’ATTRACTIONS

Le jeu vous fait éprouver les milieux successifs dans lesquels les rats ont vécu dans des laboratoires.

Pendant longtemps, ils se voyaient enferméser dans des petites cages individuelles, telles les puzzle box du début du XXe siècle, dont le dispositif se complexifie avec les boîtes de B. F. Skinner (La Skinners box est un dispositif expérimental inventé par B. F. Skinner au début des années 1930 dans le but de simplifier l'étude des mécanismes de conditionnement).

Burrhus Frederic Skinner montrant la cage qu'il a inventée pour tester les capacités des rongeurs à subir un conditionnement, dite "boîte de Skinner".
La cage "puzzle-box" conçue par Edward Thorndike en 1898

Pour amener les rats au plus près des conditions humaines, le milieu de vie de l’homme a progressivement été reproduit sur eux. John B. Calhoun crée des environnements parfois appelés « univers », parfois « behavioral sink » (« cloaque comportemental ») qui n’ont rien à envier aux camps d’emprisonnement des régimes totalitaires. Il met en place des expériences de grande envergure pour étudier les conséquences de la concentration des individus sur une petite surface, à l’image des grandes agglomérations urbaines.

Un "univers de rats" de John B. Calhoun
John B. Calhoun
Schéma d'une "Utopie" ou "paradis" pour rats. Dessin de John B. Calhoun

Vous vous retrouvez dans l’univers 25, le plus tristement célèbre d’entre eux. La surpopulation augmente le niveau de stress des participants. Les rats en viennent rapidement à sombrer dans le chaos et la violence. Ils sont trop paniqués pour se reproduire, cessent de maintenir leur environnement, s’auto-mutilent, se battent entre eux, voire s’entre-dévorent.

Mais Calhoun remarque que, quelle que soit la densité de population, si chaque rat a la possibilité de se retrancher dans un espace bien à lui – et même si cet espace semble minuscule –, alors ils cessent de s’entretuer. L’isolation en masse semble un compromis possible pour éviter la catastrophe.

Heureusement pour vous, votre condition va brutalement changer lorsque le psychologue canadien Bruce K. Alexander mène une série d’expériences sur l'addiction aux drogues, connues sous le nom de « Rat Park » (Bruce K. Alexander, Peaceful Measures: Canada's Way Out of the War on Drugs (1990) et The Globalization of Addiction: A Study in Poverty of the Spirit, 2008). Le Rat Park repose sur un principe diamétralement opposé : il propose de beaux environnements, spacieux, où vous pouvez vous ébattre en groupe, où vous êtes moins isolé et donc moins malheureux : des sortes de parcs d’attractions pour ratons. Dans ces espaces, vous ne développez plus aucun trouble parasite. Plongé dans un milieu favorable et dénué de stress, vous délaissez les drogues et la violence.

Cette expérience démontre l’importance de l’influence du milieu et notamment des relations entre les individus.

Maintenant que vous vous épanouissez dans votre Rat Park, le jeu vous entraîne dans une série d’expériences.

Le "rat park" de Bruce K. Alexander
Bruce K. Alexander

NIVEAU 4 : LES PARADIS ARTIFICIELS DU RAT

Expérience 1 : La drogue

On vous soumet à des tests sur les psychotropes. En guise de friandises, une manette vous invite à vous shooter de substances addictives. Vous êtes tellement drogué que vous oubliez de manger ou de boire. Par contre, vous n’oubliez pas de prendre régulièrement vos doses. Vous allez devenir alcoolique, fumeur, accro à la cocaïne, à l’héroïne, survolté aux amphétamines, dépendant aux acides, défoncé au LSD, léthargique sous opiacés, décontracté sous Lexomil, Prozac, Ritaline, Xylazine, etc. Malheureusement, vous n’êtes pas en mesure de nous transmettre vos élucubrations sur vos états de conscience modifiés par les substances que vous ingurgitez. Vous ne pouvez pas nous confier vos Terriers de la perception, vos Confessions d’un rat d’opium, ni raconter votre vie de Moi, rat, drogué, prostitué.

Expérience 2 : Lady Gaga

On vous dégrise ensuite dans une petite cabine munie de hauts parleurs qui diffusent des morceaux de musique. Vous êtes équipé d'accéléromètres sans fil pour mesurer les mouvements de votre corps. Vous écoutez Born This Way de Lady Gaga, Another One Bites the Dust de Queen, la Sonate pour deux pianos en ré majeur de Mozart, Beat It de Michael Jackson et Sugar de Maroon 5. Avec d’autres rats, on vous soumet les chansons à des vitesses différentes. Votre queue bat entre 120 et 140 battements par minute, à peu près au même rythme que les humains. Vous vous trémoussez avec tout votre corps, jusqu’à ce que le tempo soit trop rapide à suivre.

Après avoir dansé le headbanging au rythme de Lady Gaga, on vous propose de vous détendre avec un petit jeu anodin, le plus courant dans l’espèce humaine…

Expérience 3 : Cache-cache

Dans cette troisième expérience, vous êtes un rat mâle adolescent dans un terrain de jeu de 30 m2. Vous passez plusieurs semaines avec une équipe de neuroscientifiques dans une pièce remplie de cartons. Leur but est de vous apprendre à jouer à cache-cache avec eux. On vous attache la tête avec des micro-fils qui enregistrent votre activité cérébrale. Si vous êtes suffisamment joueur, les chercheurs vous récompensent avec de l'eau et des chatouilles sur les côtes. L’expérience ne prend fin que lorsque vous donnez l’impression que le jeu vous plaît. Il vous faut prouver que l’interaction vous rend dingue de plaisir, et que vous n’êtes pas intéressé par les récompenses. Vous apprenez à simuler des petits bonds de joie et des cris ultrasoniques qui expriment votre bien-être. En vous comportant comme eux, vous évitez d’être considéré comme un pur objet d'expérience.

Malheureusement pour vous, les neuroscientifiques poussent le vice plus loin en vous apprenant à jouer à cache-cache dans un jeu vidéo. Vous êtes immobilisé par des électrodes devant Doom 2 avec un casque de réalité virtuelle. En fonction de vos comportements, vous ouvrez ou fermez les portes des pièces d’un long corridor.

Après des mois passés à vous analyser, l’équipe échoue à prouver quoi que ce soit. L’interaction du jeu de cache-cache implique trop de connexions dans votre cerveau pour qu’ils puissent tirer une quelconque conclusion.

Heureusement, le dernier stade de Doom 2, vous permet d’échapper au robot stresseur de rat. Ce robot est fabriqué pour vous harceler en trois phases « poursuivre », « attaquer en continu » et « attaquer de manière interactive », jusqu’à vous plonger progressivement dans la dépression pour tester de nouveaux médicaments.

Expérience 4 : Ratomobile, ivre de vitesse

La quatrième expérience consiste à tester votre apprentissage de la conduite automobile. Vous êtes glissé dans une mini voiture construite sur mesure à partir d’une boîte en plastique, alimentée grâce à un circuit électrique. Vous attendez le départ à l’entrée du circuit automobile. Les scientifiques qui analysent votre conduite vous surnomment Queue Noire. Pendant quelques secondes, vous prenez le temps de humer l’air autour de vous. Vous activez le levier et votre voiture démarre en trombe. « C’est magique ! » commentent-ils à leurs collègues tout en filmant l’événement. En bout de course, un drapeau s’agite, et l’équipe vient vous récompenser avec des friandises. Vous avez bien mérité votre festin.

Expérience 5 : Le bébé dans les yeux

Grâce à votre apprentissage de la conduite automobile, vous êtes devenu suffisamment mature pour subir une opération à risque. Votre œil sera tenu écarquillé. Vous êtes comme Alex le protagoniste du film Orange mécanique. Ce n’est pas pour écouter en boucle la Symphonie n° 9 de Ludwig van Beethoven, mais pour implanter un embryon humain dans votre œil. Les scientifiques cherchent à prouver que celui-ci peut se développer dans un milieu hors utérus. Ils observent son développement en temps réel. Votre temps à vous est compté : si vous ne faites rien pour vous débarrasser au plus vite de cet embryon, votre œil explosera.

Expérience 6 : Anus géant

Vous avez réussi à vous débarrasser brillamment du terrible fœtus. Bravo ! Vous êtes sorti indemne de cette opération dangereuse pour votre vue. Mais pour vous prouver que vous êtes le matériau le plus commode pour la culture des organismes vivants, on vous prépare une dernière transformation surprise. Cette fois-ci, ce sera par tirage au sort. Un organe vous est affecté au hasard dans le but de répondre au manque de greffons chez les humains. Cela peut être une oreille greffée à partir de cartilage de vache, un rein, un foie, un pancréas, un poumon, un cœur, ou un anus. Au réveil de l’opération, vous réalisez que c’est l’anus qui vous est attribué. Celui-ci occupe tout votre dos. Avec cet anus humain vous ressemblez à un immense trou du cul. Ce sphincter préalablement fabriqué dans une boîte de Petri, vous est implanté via vos vaisseaux sanguins et vos nerfs. Il ne remplace pas votre sphincter anal de rat, mais certains scientifiques tentent de vous modifier pour que ce soit le cas.

Expérience 7 : Vie éternelle

Par miracle, la nuit suivante, on enlève cette greffe peu pratique. Vous vous croyez redevenu un rat « normal ». Mais à peine avez-vous le temps de souffler que vous voilà de nouveau le cobaye d’une reprogrammation génétique. Cette fois-ci, les chercheurs infusent une substance qui inverse le temps : ils vous font rajeunir.

Banco. Vous avez gagné.

La durée de votre vie vient d'être prolongée de 5 à 15 % par la société Rejuvenate Bio, qui reprogramme le corps en annulant les effets du temps. On commence par lisser votre peau, puis on améliore votre vue et on relance votre pilosité. Cette entreprise assure avoir prolongé la vie de souris en reprogrammant leurs cellules. Des chercheurs japonais font pousser des cheveux en implantant des cellules souches humaines sur votre toison. Les follicules pileux sont reliés à vos nerfs et à vos muscles, de sorte que vous pouvez dresser vos nouveaux poils/cheveux en fonction de vos sensations.

Expérience 8 : Le cerveau alien

Vous avez tellement rajeuni que vous êtes redevenu, par paliers successifs, jeune rat puis bébé rat. Vous en êtes arrivé au stade ou vous venez de naître. Votre dernière mission, avant d’atteindre le graal, sera d’accueillir la dernière découverte de l’année : on se propose de faire de vous l’hôte d’un mini-cerveau-humain. Cela offre la possibilité aux organoïdes de se développer plus facilement que dans une boîte de Pétri. Des chercheurs vous greffent des petites boules de neurones cultivées in vitro. Ceux-ci s’adaptent si bien à votre morphologie qu’ils tissent leurs axones jusqu’à occuper un sixième de votre cerveau. Ils vont jusqu’à guider votre propre comportement. Vous avez désormais le cerveau d’un rat et d’un humain en même temps. Quelle chimère êtes-vous devenu ? Etes-vous plutôt un rat-humain ou un humain-rat ? Êtes vous rat, humain, bébé, adulte ? Et comment tout cela peut-il tenir à la fois dans votre petit corps de rat ?

NIVEAU 5 : SORTIE DU LABYRINTHE

Après avoir subi ces expériences les unes après les autres, vous être vu injecter des médicaments et diverses substances, vos muscles augmentent, votre capacité à vous déplacer s’améliore, votre esprit s’éclaircit. Passée la violence du choc initial, vous commencez à y prendre goût.

Puis on vous dépose dans un autre bac. Manifestement, il s’agit d’une expérience sociale, car vous sentez à nouveau l’odeur des autres joueurs. Vous croisez le regard d’un autre participant. Et ce n’est plus du tout l’image 3D d’un rat : c’est bien un être humain que vous découvrez en face de vous.

Vous regardez vos extrêmités : vous êtes bien un humain dans cette simulation.

Vous êtes un humain depuis votre entrée dans le bac à sable.

Les autres humains autour de vous ont l’air paniqués. Peu à peu, vous comprenez la situation.

Vous avez peur.

Vous avez raison.

Vous êtes un humain de laboratoire.

Le harnachement, la position accroupie, vous avaient fait croire qu’il s’agissait de jouer à être un rat de laboratoire. Mais vous comprenez à présent qu’il ne s’agissait pas de cela.

Vous n’êtes pas dans un jeu.

C’est un dispositif bien plus sérieux, bien plus grave. Une sorte d’entraînement extrême.

On l’a dit, l’espèce humaine semble actuellement bloquée dans une impasse. Il ne lui reste plus qu’une solution pour survivre. Vous, les humains, devez vous transformer en rats. Il s’agit, pour vous, humain, d’acquérir les capacités d’un rat de laboratoire.

C’est un processus complexe et fastidieux, mais cet entraînement permet de vous y préparer.

ÉPILOGUE : SORTIE DU JEU

Nous, les rats, nous nous sommes échappés du laboratoire. Et nous vivons notre meilleure vie dans les ruines du capitalisme.

Tandis que vous, les humains, suffoquez sous un climat déréglé, nous, les rats, nous adorons le réchauffement. La chaleur nous est agréable.

Tandis que vous, les humains, vous étouffez sous les montagnes de vos propres déchets, nous, les rats, nous adorons les déchets. Nous y trouvons à manger en abondance. Nous nous sentons à l’aise dans un environnement sombre. Le réchauffement climatique, les pollutions, la désertification, l'artificialisation des sols donnent à la planète une meilleure habitabilité pour les rats que pour l’homme.

Tandis que vous, les humains, vous vous intoxiquez des traitements que vous vous créez, nous, les rats, nous incorporons sans peine ces molécules dans notre organisme. Les expériences réalisées sur nous nous ont endurcis et sélectionnés au point de faire de nous des êtres guéris de toutes les maladies, ayant acquis tous les pouvoirs. Modifiés génétiquement, nous sommes devenus des post-rats.

Et, magnanimes, nous avons créé ce jeu pour vous.

Rejoignez-nous.

Diffusion

Revue Immersion 8, “Esprits animaux”, nov. 2023