Le tour de la banlieue parisienne en 14 bus

Stéphane Degoutin, Alex Knapp et Gwenola Wagon

Carte pour un tour en bus RATP

2007

Cet itinéraire propose un aperçu complet de la proche périphérie parisienne. Vous en ferez le tour complet sans jamais avoir à marcher, et directement en contact avec la population locale, à bord de 13 bus. Directement connectés entre eux, ils vous feront traverser 34 communes. L'agence Nogo Voyages propose ce voyage sous forme d'une carte explicative accompagnée d'un ticket « Mobilis » permettant de faire le trajet complet.

Nogo Voyages offre le billet de bus et le plan, et apprécierait en échange que vous produisiez une trace de votre expérience (faites la quête dans le bus, ramenez des échantillons d'objets ramassés sur le parcours, de discussions avec d'autres passagers, laissez des traces sur place, notez les réflexions que vous inspire cette expérience… ou toute autre proposition). L'agence réunira ensuite les différentes manières dont a été interprétée cette proposition de voyage.

Carte présentée lors de l'exposition Nogo Voyages à Ars Longa, Paris, 2008

La figure de la boucle

La figure de la boucle périphérique est une constante du discours sur l’agglomération parisienne.

Elle se constitue par opposition à la configuration dominante: l’attraction centripète de la ville. Développer un réseau permettant de faire le tour de la proche banlieue semble être la solution miracle pour lutter contre la logique de la métropole trou noir où tout s’absorbe vers le centre, et résoudre du même coup le problème de déséquilibre centre-périphérie. Il suffirait d’une simple inversion topologique.

L’incantation à la boucle périphérique relève de la pensée magique: conjurer la force des réseaux centripètes par celle des réseaux annulaires: grands boulevards, boucle ligne 2 - ligne 6 du métro, boulevards des Maréchaux, Périphérique, A86, Francilienne, projets de rocade métro, rocade de bus etc.

Mais la boucle atteint un tout autre but. Restant toujours, par définition, à égale distance de l’attraction, elle manifeste dans l’espace l’éloignement du centre: je sais à quelle distance je suis selon l’anneau sur lequel je me situe. La logique annulaire matérialise cet éloignement et le fige dans l’espace construit. Elle ne fait que renforcer la logique centripète et sursignifie la distance au centre.

Il est donc logique que les cercles successifs des réseaux se transforment rapidement en enceintes : on habite à l’intérieur ou à l’extérieur du Périphérique, de la boucle ligne 2 - ligne 6 du métro ou de l’A86.

Photo : Alex Knapp

Elongation infinie de l'équidistance

C’est cette distance au centre que nous explorons dans ce voyage : elle reste invariable pendant huit heures (autant que le permet le réseau RATP), alors que le voyageur est transporté dans 34 communes, avant de retourner à son point de départ.

Est-il loin du centre? Le trajet est prévu pour rester à peu près à mi-chemin entre le centre de l’agglomération et les limites de la banlieue dense : au milieu d’un anneau périphérique imaginaire ceinturant Paris: ce que l’on appelle communément la "première couronne". Le voyage permet de visualiser ce que recouvre cette expression purement géographique, qui englobe des territoires très différents les uns des autres. Cela donne une vision d’ensemble rapide, une peinture à très grands traits: zones pavillonnaires et grands ensembles; passages longs et monotones et d’autres beaucoup plus variés ; contraste nord-sud; changements de végétation, de trame urbaine, de population…

Il s’agit d’un trajet impossible: il n’existe pas de façon pratique de faire ce tour de banlieue. Cet itinéraire le force à devenir réel, en modifiant l’usage des réseaux pour condenser dans le temps d’une journée des lieux habituellement séparés.

Huit heures sur la route, c’est aussi huit heures à voir ce qui se passe dans l’espace public.

Mais c’est avant tout un voyage dans le bus lui-même, puisque ce tour de banlieue s’effectue sans jamais en descendre (excepté aux arrêts); et donc d’explorer un espace public très différent de celui de la rue. Le bus est un microcosme mobile et clos. Un contrat social minimum y est respecté: les usagers partagent un espace commun, et acceptent la présence des autres. Le voyageur étranger ne s’y sent pas déplacé: c’est une manière commode d’entrer à l’intérieur de la vie quotidienne d’une région. Les 13 bus choisis assurent des liaisons de banlieue à banlieue, ils sont donc empruntés en grande majorité par des personnes habitant à proximité. Chaque bus possède donc une ambiance locale.

Photo : Jingcong
Photo : Jingcong
Photo : Jingcong
Photo : Jingcong
Photo : Jingcong
Photo : Jingcong
Photo : Jingcong
Photo : Jingcong
Photo : Jingcong
Photo : Jingcong
Photo : Jingcong