Stockorama

Stéphane Degoutin et Gwenola Wagon

Texte et tirage photographique

2010

Avant d'être livrés à domicile, les objets que nous achetons sur Internet transitent dans d'immenses hangars qui remplissent les périphéries des grandes villes. Quant à nos données, loin d'être immatérielles, elles engendrent d'infinis alignements de serveurs informatiques stockés dans des fermes de données, espaces virginaux, perpétuellement climatisés, dont la parfaite isotropie n'est surpassée que par la bibliothèque de Babel de Borgès.

Ces hangars toujours similaires, stocks d'objets ou de données, s'étalent sur des kilomètres, protégés par des barbelés. Ils produisent un environnement où nous ne nous rendons pas, des lieux où nous ne vivons pas. Ils héritent de la longue histoire d'un urbanisme en désolidarisation croissante de son milieu. Jean Baudrillard déplorait déjà la violence latente de ces dispositifs de stockage, complémentaires selon lui du processus de stockage des humains, de queue, d’attente, d’embouteillage.

Dans ces lieux du parallélépipédisme généralisé, auto-surveillés et auto-nettoyants, principalement maintenus par des robots et des logiciels, le rare travailleur humain dépasse le statut d’exploité pour se retrouver au rang d’appareil.

Attractions périphériques, conférence, projection et lecture
Le château ruiné du parc Monceau

Hangars sans décor, le minimalisme de leur architecture traduit l'absence d'interconnexion avec le monde qui les entoure. Leur présence dans l'univers matériel apparaît comme une intrusion, une inadaptation. Ils appartiennent à un autre monde, celui des données, des réseaux, des flux, qui rentre en contact avec le nôtre comme par inadvertance, bien qu'en acier et en béton armé.

Arbitrairement disséminés sur les gazons des zones périurbaines, tels des volumes de Donald Judd dans un jardin de sculptures, l'étrangeté de leur rapport au territoire apparaît déjà avec évidence. Dans la tradition des jardins de fabriques, les stocks et les parcs de données deviennent des folies visitables. Ils sont transformés en fausses montagnes, en grottes artificielles, en volcans ou en pyramides, pour rendre attractives des zones oubliées.

Montagne du lac de Créteil

Diffusion

Exposition Les espaces d’Abraxas, Seconde nature, Aix-en-Provence, novembre 2012

Exposition Utopia Factory, Les Passerelles, Pontault-Combault, 26 juin 2010

Attractions périphériques, Lecture, Hospitalités, Tram, 2009

Générique

Avec l'aide du Centre photographique d'Île-de-France (Cpif).