Le grand rocher, rénové quelques années plus tôt, arbore une peau plus lisse et d'un gris plus uniforme. Il apparaît au détour des perspectives de Vincennes et de Saint-Mandé comme un jouet en plastique géant oublié dans la banlieue résidentielle tranquille. Triangle furtivement inséré dans l'entrelacs d'une sortie de Paris, ni central ni périphérique, il disparaît des pensées des habitants d'une métropole qui ne manque ni de richesses ni de problèmes.
Le zoo continue pourtant de vivre en quasi secret, caché à l'intérieur des ses murs. Les animaux, privés de la distraction du public, dorment toujours dans leurs rochers. Les gardiens continuent de patrouiller les allées vides. L'administration gère les affaires courantes.
Un collectif de chercheurs n'ayant pas trouvé de logement à louer à Paris ou en proche banlieue, s'introduisent dans le zoo la nuit, avec la complicité d'un gardien, pour dormir dans un rocher vide.
C'est en mai, il fait doux et les rochers leur offrent un abri minimal suffisant. Le zoo tourne en effectifs réduits, et il leur est facile de passer inaperçus. Des amis les rejoignent. Progressivement, le groupe grossit, et l'abri de fortune est peu à peu aménagé, en commençant par l'intérieur des cages, invisible.
Lorsque l'administration apprend finalement leur existence, les squatters sont trop nombreux pour être délogés facilement. Des manifestations de soutien s'organisent. Le zoo est devenu un espace utopique de liberté, une zone de non-droit en dehors de la ville, inaccessible aux intrus. Il est habité de manière animale par une communauté régressive d'intellectuels semi-primitifs.